L'arbre
Je me suis dévêtue pour monter à un arbre ; mes cuisses nues embrassaient l'écorce lisse et humide ; mes sandales marchaient sur les branches.
Tout en haut, mais encore sous les feuilles et à l'ombre de la chaleur, je me suis mise à cheval sur une fourche écartée en balançant mes pieds dans le vide.
Il avait plu. Des gouttes d'eau tombaient et coulaient sur ma peau. Mes mains étaient tachées de mousse, et mes orteils étaient rouges, à cause des fleurs écrasées.
Je sentais le bel arbre vivre quand le vent passait au travers ; alors je serrais mes jambes davantage et j'appliquais mes lèvres ouvertes sur la nuque chevelue d'un rameau.
Pierre Louÿs ~ (Les Chansons de Bilitis / 1894-1897)
The Tree
I undressed to climb a tree; my naked thighs embraced the smooth and humid bark; my sandals climbed upon the branches.
High up, but still beneath the leaves and shaded from the heat, I straddled a wide-spread fork and swung my feet into the void.
It had rained. Drops of water fell and flowed upon my skin. My hands were soiled with the moss and my heels were reddened by the crushed blossoms.
I felt the lovely tree living when the wind passed through it; so I locked my legs tighter, and crushed my open lips to the hairy nape of a bough.
Pierre Louÿs ~ (The Songs of Bilitis / 1894-1897)
El Árbol
Me quité las ropas para trepar a un árbol; mis muslos desnudos abrazaban la corteza tersa y húmeda; mis sandalias caminaban sobre las ramas.
En la copa, pero aún bajo las hojas ya cubierto del calor, cabalgué sobre una rama horquillada balanceando mis pies en el vacío.
Había llovido. Caían gotas de agua y escurrían por mi piel. Tenía las manos manchadas de musgo y los dedos de los pies enrojecidos por las flores pisoteadas.
Sentía vibrar al hermoso árbol cuando le atravesaba el viento; entonces apretaba las piernas y posaba mis labios abiertos sobre la peluda nuca de un ramo.
Pierre Louÿs ~ (Las Canciones de Bilitis / 1894-1897)
 |
| Photo by Philip Antonov |
.jpg)
